"Son regard bleu et bienveillant tromperait Dieu lui-même." Le mot est de Stendhal. Metternich, le reconstructeur de l'ordre européen après les guerres napoléoniennes, fut un séducteur. Séducteur et Européen jusque dans ses amours : trois épouses autrichiennes, trois maîtresses russes, trois maîtresses françaises. Avec l'avantage d'une bonne conscience absolue : "Je n'ai jamais été infidèle. La femme que j'aime est, chaque fois, la seule au monde." Une séduction brouillée par une fatuité presque naïve : le chancelier est convaincu de détenir la vérité. Il se décrit en Messie à travers l'Europe, sollicité par les différents monarques qui recherchent ses conseils et l'érigent en arbitre du monde. Pour ses contemporains, la cause est entendue : il est un menteur. Le secrétaire au Foreign Office, Canning, l'affirme : "C'est le plus grand menteur de l'Europe, et peut-être du monde civilisé." Napoléon le confirme : "C'est le plus grand menteur du siècle." Talleyrand n'est pas tendre pour son jumeau en diplomatie : Metternich "ment toujours mais ne trompe personne", au contraire de Mazarin "qui trompait, mais ne mentait pas". Metternich faisait confiance à la postérité : "Elle me jugera... tout autrement que tous ceux qui ont affaire avec moi aujourd'hui." Quel regard porter sur Metternich, près de deux siècles après ce Congrès de Vienne qui fit danser toute l'Europe ? Charles Zorgbibe, professeur de droit public à la Sorbonne, dissèque et analyse les trois rôles que Metternich a assumés : le vainqueur de Napoléon, le praticien de la diplomatie, le fondateur d'un nouvel ordre international. Dans ses dernières années, Metternich se considérait comme "un vieux médecin dans le grand hôpital du monde". Sa principale médication ? L'art de gouverner ne consiste pas à châtier mais à intégrer. Une médication à succès, puisqu'elle assurera un siècle de paix à l'Europe..